HISTORIQUE DU SOUFISME par Hazrat Inayat Khan
texte rédigé avant 1926
Que veut dire le mot soufi ? Il dérive du mot arabe safa ou saf, qui veut dire littéralement pur, c’est-à-dire pur de toutes distinctions et différences. Ce en quoi le mot signifie : sage.
On ne peut qualifier le soufisme de déisme, car le soufi ne considère pas Dieu comme une entité séparée de lui-même ; il ne peut non plus être qualifié de panthéisme, parce que le soufi ne voit pas uniquement l’immanence de Dieu dans la nature, mais réalise aussi son essence dans un infini qu’il appelle Allah, le sans forme et sans couleur.
Le soufi n’est ni croyant dans un Dieu non réalisé, ni un incroyant dans une déité idéalisée, et donc se distingue du dévot et de l’athée. Le soufi n’est pas un athée car il ne refuse ni Dieu ni ses messagers. A la question : « Etes-vous un chrétien, êtes-vous un musulman, êtes-vous un juif ? Sa réponse sera plutôt oui que non, car il ne s’oppose à aucune religion mais sympathise avec toutes.
En fait, le soufisme ne peut être appelé religion, car il n’impose aucune croyance ou principe à qui que ce soit, considérant que chaque âme individuelle a ses propres principes qui lui conviennent et que la croyance change à chaque degré d’évolution. Le soufisme n’est pas une philosophie intellectuelle, car il ne dépend pas seulement d’un raisonnement froid, mais développe une tendance émotionnelle de l’âme. Le soufisme ne peut être appelé occultisme, car il ne donne aucune importance à l’instigation des phénomènes qu’il estime vaine poursuite en considération de la brièveté de la vie.
Origine du Soufisme
On dit que le germe du soufisme existe depuis la création de l’être humain, parce que la sagesse est l’héritage de l’homme ; c’est pourquoi personne ne peut se prétendre être son fondateur. Il s’est révélé plus clairement et s’est répandu plus largement à différentes époques de l’évolution du monde.
On peut faire remonter le soufisme, en tant que fraternité, à la période de Daniel. Nous trouvons, parmi les zoroastriens Hatime, le soufi le plus connu de son temps. Les élus de Dieu, le sel de la terre, qui répondaient sans hésitation à l’appel d’Abraham, Moïse, Jésus et Mohammed étaient des soufis, et n’étaient pas seulement les pratiquants d’une religion, mais avaient une vision pénétrante de la connaissance divine. Ils reconnaissaient chaque message de Dieu et s’unissaient à tous.
Avant Mohammed ils étaient appelés Ekuanol Safa, les Frères de la Pureté. Mais après sa venue il les nomma Sahabi Safa, les Chevaliers de la Pureté. Le monde les a appelés mystiques, zoroastriens, chrétiens, juifs ou musulmans, et les pratiquants de chaque religion ont voulu se les approprier. Par exemple, un chrétien proclamera que Saint Paul était un chrétien et un musulman que Chams de Tabriz était un musulman, mais ils étaient soufis.
Relations avec les autres religions
Bien que le soufisme soit l’essence de toutes les religions, et qu’il les ait toutes influencées, on peut pourtant le considérer comme l’aspect ésotérique du Zoroastrianisme, du Judaïsme, du Christianisme et de l’Islam. Mais ce n’est pas un ésotérisme purement zoroastrien, sans aucune influence juive, de même que ce n’est pas un mysticisme exclusivement juif sans influence chrétienne, ni sagesse chrétienne sans influence morale musulmane. C’est pourquoi il est justifié de l’appeler le véritable Esprit de toutes les religions, même de celles qui lui sont aussi étrangères que le Védanta et le bouddhisme.
Dans le soufi nous voyons Zoroastre par sa pureté, par son amour de la lumière et par son adoration de Dieu dans la sublimité de la nature. Dans le soufi nous voyons Moïse par sa constante communion avec Dieu. Dans le soufi nous voyons le Christ par sa charité et son renoncement à lui-même. La véritable signification du sacrement est vue dans la vie quotidienne du soufi qui est toujours prêt à partager tout ce qu’il possède avec un autre. La vie d’un vrai soufi est comme une Bible ouverte que chacun peut lire. Nous découvrons Mohammed dans l’humanité du soufi, dans sa puissance à faire face aux luttes de la vie en portant avec équanimité ses responsabilités.
Le soufisme est né intellectuellement en Arabie, développé avec dévotion en Perse et spirituellement achevé en Inde. Depuis ces quarante dernières années, l’influence directe et indirecte de l’Orient a préparé le terrain en Occident pour l’éclosion du message soufi.