Le soufisme et le message
Par Pir-o-Murshid Inayat Khan
Les textes qui suivent ne sont que des extraits d’enseignements de Pir-o-Murshid Inayat Khan sur le thème du message. Au cours de ses dernières années, il parlait avec gravité d’une nouvelle étape de l’évolution de la conscience humaine qui commençait à émerger. Pir-o-Murshid anticipa l’apparition d’une conscience planétaire à mesure que l’humanité prenait conscience de l’unité de la famille humaine et honorait la divinité présente dans l’âme de tout être. Initialement, il utilisait le terme de message Soufi, reconnaissant ainsi la perspective universelle attribuée au soufisme. Par la suite, il s’y référa en parlant simplement du « message » pour décrire la réponse divine aux plaintes de notre monde en souffrance. Notre Ordre Soufi s’applique à servir le message, dont il reconnaît le déploiement dans tous les aspects de la vie. Cet éveil spirituel n’est, bien sûr, la propriété d’aucune tradition mais est porté par de nombreux groupes et individus à travers le monde.
Le message Soufi, qui est transmis aujourd’hui en Occident, est l’enfant de cette mère connue depuis très longtemps sous le nom de soufisme. Il relie les deux voies de la mission prophétique, la voie hindoue et celle de Beni Israël, afin que toutes deux deviennent le moyen d’unir en Dieu la vérité de l’Orient et de l’Occident. Il s’agit de la même vérité, de la même religion et du même idéal dont ont été porteurs les sages de tous les temps. S’il existe une différence, elle ne peut être que de forme. Le message Soufi délivré aujourd’hui a adopté une forme adaptée à son temps. C’est un message sans revendication ; ceux qui travaillent pour lui et ceux qui le suivent portent le nom de soufis. Leur travail consiste à marcher paisiblement et sans prétention sur le chemin spirituel et de servir Dieu et l’humanité. C’est ainsi que le message s’accomplit.
Le message Soufi est la réponse divine aux plaintes de notre monde car il est en accord avec la science et défend toutes les religions. Notre mouvement est au service du divin et de l’humanité, sans la moindre intention de constituer une communauté exclusive, en unissant dans ce service des personnes de toutes les religions. Ce mouvement n’en est qu’à ses balbutiements. Ce n’est pas une église, mais aussi une école où apprendre une leçon de tolérance, où apprendre à respecter tout enseignant et tout texte sacré, un message qui enseigne qu’il n’est pas nécessaire d’abandonner sa religion, mais plutôt d’embrasser toutes les religions pour rendre le caractère sacré de la religion parfait.
Le message Soufi n’est donc pas destiné à une race, à une nation ou à une église particulières. C’est un appel à l’unité dans la sagesse. Le mouvement Soufi est constitué de personnes qui appartiennent à différentes religions auxquelles elles n’ont pas renoncé et qui ont appris à mieux les connaître. Leur amour s’adresse à Dieu et à l’humanité entière et non à une partie de celle-ci. La tâche principale du Mouvement Soufi est d’apporter une meilleure compréhension entre l’Orient et l’Occident ainsi qu’entre les nations et les races de ce monde. La note que donne le message Soufi à notre époque est celle de la divinité de l’âme humaine. S’il est un seul principe moral apporté par l’Ordre Soufi, c’est le suivant : l’humanité entière est comme un seul corps ; tout organe blessé ou malade affecte indirectement le reste du corps. Etant donné que la santé du corps dépend de la santé de chaque partie, la santé de toute l’humanité dépend de la santé de chaque nation. Par ailleurs, pour ceux qui s’éveillent et sentent que le moment est venu d’en apprendre davantage sur la profondeur de la vie, sur la vérité, le mouvement Soufi tend une main secourable sans demander à quelle religion ou à quelle secte ils appartiennent ou à quels dogmes ils adhérent. La connaissance du Soufi est utile à tous, non seulement pour que chacun vive sa vie avec droiture mais aussi par rapport à sa religion. Le mouvement Soufi ne demande à personne d’abandonner sa foi et son église ; il appelle à la vivre pleinement. En résumé, c’est un mouvement voulu par Dieu pour unir l’humanité dans la fraternité et la sagesse.
C’est dans la réalisation de soi que réside le grand mystère de la vie. Elle est le remède à tous les maux, le secret de la réussite dans tous les domaines de la vie. A notre époque, alors que le monde entier est ébranlé, le message Soufi apporte la parole divine. Le problème de l’humanité aujourd’hui est qu’elle n’est pas elle-même et toute la misère du monde en découle. Rien ne peut donc répondre aux besoins de l’humanité si ce n’est ce chemin de sagesse millénaire qui conduit les âmes à leur réalisation.
La condition du monde actuel est telle que l’humanité est devenue aberrante. L’homme a non seulement peur du mal mais aussi du bien. L’homme ne redoute pas seulement la guerre mais aussi la paix. Il en a assez de l’inimitié mais aussi de l’amitié. Il suspecte son adversaire mais aussi son propre frère. On dirait que l’esprit du monde n’est pas seulement las, mais aussi malade, comme si l’humanité était en dépression nerveuse. Que ce soit sur le plan individuel ou collectif, l’être humain ignore le but de sa vie. Le message Soufi avertit l’humanité afin qu’elle connaisse mieux la vie et accède ainsi à la liberté. Il avertit l’être humain pour qu’il accomplisse ce qu’il considère bon, juste et désirable. Il avertit l’individu pour qu’il réfléchisse aux conséquences de ses actes, en étudiant la situation, son attitude et les méthodes qu’il devrait adopter.
Le soufisme ne guide pas seulement les personnes religieuses, mystiques ou visionnaires ; il donne au monde une pratique actuelle, qui consiste à faire de sa vie une religion, à transformer son activité ou son travail, à faire de son idéal un idéal religieux. Le but du soufisme est d’unir la vie et la religion, qui semblent avoir été séparées trop longtemps. Quand un homme va à l’église une fois par semaine et consacre tous les autres jours de la semaine à son travail, comment peut-il bénéficier de sa religion ? C’est pourquoi l’enseignement du soufisme est de transformer la vie de tous les jours en une religion afin que chaque action puisse donner des fruits spirituels.
Le soufisme est une religion si l’on veut y apprendre la religion, c’est une philosophie si l’on veut en tirer de la sagesse, c’est un mysticisme si l’on désire être guidé vers le déploiement de son âme. Et pourtant, il va bien au-delà de tout cela. C’est la lumière, c’est la vie qui nourrit toutes les âmes et qui conduit les êtres mortels à l’immortalité. C’est le message d’amour, d’harmonie et de beauté. C’est un message divin. C’est le message de notre temps qui est aussi une réponse à l’appel de toutes les âmes. Le message n’est pourtant pas dans les mots, mais dans la lumière divine et la vie qui guérit les âmes, leur apportant le calme et la paix de Dieu.
Le travail du mouvement soufi ne consiste pas à collecter toute l’eau de pluie dans son réservoir, mais de faire en sorte que le message se répande et apporte l’eau nécessaire à tous les champs du monde. Le travail du message Soufi est de semer, la récolte étant laissée au soin de l’humanité, puisque les champs n’appartiennent à aucun mouvement particulier. Tous les champs appartiennent à Dieu. Et nous qui travaillons dans cette ferme du monde, devons nous contenter de remplir notre rôle et de laisser le reste entre les mains de Dieu. Ne nous soucions pas du succès ou de l’échec. Laissons ceux qui s’en préoccupent chercher un autre chemin. La vérité seule est notre succès, car le seul succès durable est la vérité.